La Belle

LA Belle se tenait au pied du lit, les mains croisées dur la nuque. Ses fesses palpitaient d’une vive douleur qu’elle ressentait désormais presque comme un plaisir, bien plus que la fessée qu’elle avait reçue auparavant.
Pour l’heure, elle avait cessé de pleurer. Elle venait juste de tirer les couvertures pour le Prince, avec les dents, mains toujours croisées, et, encore avec les dents, elle était allée déposer ses bottes au seuil de la chambre.
À présent, elle attendait d’autres ordres, tout en essayant, les yeux baissés, de le regarder à son insu.
Il avait fermé la porte au verrou, et s’était assis au bord du lit.
Ses cheveux noirs, tombant librement en boucles jusqu’à ses épaules, luisaient à la lumière de la chandelle de suif. Son visage lui parut très beau, peut-être parce qu’en dépit de ses traits marqués, il était assez délicatement modelé. Elle ne savait pas vraiment. Même ses mains l’envoûtaient. Les doigts en étaient si longs, si blancs, si délicats.
Elle se sentait incroyablement soulagée de se retrouver seule avec lui. Les moments qui avaient précédé, en bas dans l’auberge, avaient été pour elle un tel supplice, et même s’il avait apporté avec lui le battoir de bois, instrument avec lequel il était sans doute capable de la fesser beaucoup plus fort que cette épouvantable demoiselle, elle était si heureuse d’être seule avec lui qu’elle n’aurait pas même songé à redouter la chose. Quoi qu’il en soit, elle avait peur de lui avoir déplu.
Elle sondait son esprit, pour y découvrir les fautes qu’elle aurait pu avoir commises. Elle avait obéi à tous ses ordres, et il comprenait combien cela lui était difficile. Il savait parfaitement ce que cela signifiait pour elle d’être dépouillée de tous ses vêtements et révélée au regard de tous, sans défense, exposée en public, et il savait que cette capitulation dont il parlait pouvait survenir en gestes et en actes bien avant que de s’imposer à son esprit. Mais peu importaient les efforts qu’elle déployait pour se trouver des excuses, elle ne pouvait s’empêcher de se demander si elle n’aurait pu accomplir de plus grands efforts.
Voulait-il qu’elle pleure plus fort quand il la fessait ? Elle n’en était pas sûre. Rien que de songer à cette fille qui l’avait fessée devant tout le monde la faisait pleurer à nouveau, et elle savait que le Prince verrait ses larmes, et qu’il pourrait s’étonner, alors qu’il lui avait demandé de se tenir tranquille au pied du lit, de ce retour de larmes.
Mais le Prince paraissait plongé dans de profondes pensées.
C’est ma vie, se dit-elle, en s’efforçant de se calmer. Il m’a réveillée, il m’a prise. Mes parents sont rétablis dans leur souveraineté, leur Royaume est redevenu leur, et, plus encore, leur vie leur appartient à nouveau, et moi, je lui appartiens. Penser à tout cela l’apaisa au plus haut point, et cette détente au fond d’elle-même lui fit ressentir une chaleur soudaine qui parcourut ses fesses endolories et palpitantes. La douleur rappelait cette partie de son corps à sa conscience honteuse. Mais comme elle baissait les paupières sur ces larmes douces et chaudes, elle vit ses seins gonflés et leurs petits tétons durcis, et cette conscience d’elle-même se fixa sur eux aussi, tout comme si le Prince venait de les lui gifler, ce qu’il n’avait plus fait depuis un long moment, et voilà qui la déconcerta quelque peu.
Ma vie, s’efforçait-elle de comprendre. Et elle se souvint que cet après-midi, au cœur de la forêt où il faisait chaud, quand elle marchait devant son cheval, elle avait senti ses longs cheveux effleurer ses fesses, elle le précédait, et elle s’était demandé s’il la trouvait belle, et, à cet instant, elle aurait souhaité qu’il la soulève de terre pour la baiser et la caresser. Naturellement, elle n’avait pas osé regarder en arrière. Elle ne pouvait imaginer ce qu’il aurait fait si elle avait été assez folle pour se laisser aller à un tel geste, mais le soleil avait projeté leurs ombres au-devant d’eux et elle avait aperçu l’ombre de son profil, en avait éprouvé un plaisir qui la rendit honteuse, ses jambes avaient fléchi sous elle, et elle eut cette sensation très étrange, que jamais auparavant elle n’avait connue dans sa vie, sauf peut-être en rêve.
À présent, elle était éveillée, au pied de son lit, à tes ordres, proférés d’une voix basse mais ferme.
— Venez ici, ma chérie.
Il la fit agenouiller devant lui.
— Cette chemise doit être ouverte par le devant, vous apprendrez à le faire avec les lèvres et les dents, et je me montrerai patient à votre endroit, promit-il.
Elle avait pensé avoir droit au battoir. Et, fort soulagée, elle en vint presque à lui obéir trop promptement, tirant sur le gros cordon qui fermait la chemise autour de la gorge. Elle sentit sa chair chaude et douce. La chair des hommes. Si différente, se dit-elle. Et elle tira prestement sur le deuxième cordon pour le dénouer, puis sur le troisième. Elle dut batailler avec le quatrième, à hauteur de la taille, car celui-là ne voulait rien entendre, et enfin lorsqu’elle eut terminé, elle inclina la tête, les mains sur la nuque comme auparavant, et elle attendit.
— Défaites mes hauts-de-chausses.
Ses joues prirent feu ; elle le sentait. Mais là encore elle n’hésita guère. Elle tira sur l’étoffe qui couvrait la boucle, jusqu’à ce que cette boucle coulisse, et la laissa se défaire. Et voilà qu’elle pouvait voir son sexe, qui enflait devant elle, douloureusement tordu. Aussitôt, elle voulut l’embrasser, mais elle n’osa pas et fut choquée de cette pulsion.
Il l’avait libéré, il se dressa. Il était dur. Elle pensa à ce sexe entre ses jambes, elle pleine de ce sexe, rude et trop gros pour son ouverture virginale, et elle songea à ce terrible plaisir qui l’avait envahie et dévastée la nuit précédente, et elle savait qu’elle rougissait furieusement.
— Maintenant, allez jusqu’à ce guéridon-là dans le coin et rapportez la vasque remplie d’eau.
Elle fila sur le parquet. À plusieurs reprises, dans la salle de l’auberge, il lui avait demandé de se presser et, après un premier mouvement de répugnance, elle s’exécutait à présent d’instinct. Elle apporta la vasque en la tenant à deux mains et la posa par terre. Un vêtement trempait dans l’eau.
— Tordez ce vêtement soigneusement, et baignez-moi vite.
Elle fit ce qu’on lui dit sur-le-champ, fixant son sexe avec étonnement, contemplant sa longueur, sa dureté, et, à son extrémité, cette petite fente. Elle en avait été si endolorie hier, même si ce plaisir l’avait paralysée. Jamais elle n’avait dévoilé semblable secret.
— Maintenant, savez-vous ce que je veux de vous ? demanda le Prince avec douceur.
Il lui caressait amoureusement la joue de la main, ramenant ses cheveux en arrière. Elle se languissait de ne pouvoir le regarder. Elle aurait tant voulu recevoir l’ordre de le regarder droit dans les yeux. Cela la terrifiait, mais passé le premier instant, tout ceci lui paraissait si merveilleux, son expression, ce visage beau et presque délicat, et ces yeux noirs qui semblaient se refuser à transiger.
— Non, mon Prince, mais quoi qu’il en soit…, commença-t-elle.
— Oui, ma chérie… vous êtes très bonne. Je veux que vous le preniez dans votre bouche, que vous le caressiez avec votre langue et avec vos lèvres.
Elle fut choquée. Jamais elle n’avait songé à cela. Soudain elle eut une cruelle pensée pour ce qu’elle avait été, une Princesse, et elle songea à toute sa jeune existence d’avant son long sommeil, et manqua lâcher un petit geignement. Mais c’était son Prince qui lui donnait des ordres, et non quelque effrayant personnage auquel on l’aurait donnée pour épouse et qui aurait exigé cela d’elle. Elle ferma les yeux et le prit dans la bouche, goûtant sa grosseur, sa dureté.
Il appuyait contre le fond de sa gorge, et elle le parcourut de bas en haut tandis que le Prince la guidait. Le goût en était presque délicieux ; et il lui sembla que des gouttelettes d’un liquide salé s’écoulaient dans sa bouche, puis elle cessa, car il avait dit que c’était assez.
Elle ouvrit les yeux.
— Très bien, Belle, très bien, dit le Prince.
Et elle vit qu’il avait soudainement envie, à en avoir mal. Cela lui inspira de la fierté, et, au sein même de son désarroi, il lui vint une sensation de force.
Mais il s’était levé et la guidait pour qu’elle se mît à ses pieds. Alors elle comprit, tandis qu’elle resserrait les jambes, que ce plaisir qui la rendait fragile s’était emparé d’elle. L’espace d’un instant, elle crut qu’elle ne pourrait le supporter, mais lui désobéir était impensable. Vivement, elle se leva, les mains derrière la nuque, et elle lutta pour empêcher ses hanches de se laisser gagner par un léger mouvement, ce qui eût été humiliant. Le vit-il ? Elle se mordit à nouveau la lèvre, qu’elle sentit endolorie.
— Vous vous êtes merveilleusement conduite aujourd’hui, vous avez beaucoup appris, lui fit-il tendrement.
Sa voix pouvait être si douce et pourtant si ferme à la fois. Cela l’étourdit presque ; ce plaisir fondait en elle.
Mais alors elle le vit tendre la main pour se saisir du battoir posé derrière lui. Elle laissa échapper un petit tressaillement avant de pouvoir se maîtriser, et elle sentit la main posée sur son bras, qui écartait ses mains de sa nuque, et la fit se tourner. Elle eut envie de s’écrier : « Qu’ai-je fait ? »
Mais sa voix resta faible, un murmure à son oreille.
— Et j’ai appris moi-même une très importante leçon : la douleur vous adoucit, vous rend les choses plus aisées. Vous êtes infiniment plus malléable, depuis la fessée que je vous ai donnée à l’auberge, que vous ne l’étiez avant cet épisode.
Elle voulut secouer la tête en signe de dénégation, mais n’osa pas. La pensée de tous ces gens qui l’avaient vue se faire fesser la tourmentait. On l’avait contrainte à se tourner pour que ces gens massés aux fenêtres pussent voir son derrière et regarder entre ses jambes, les soldats avaient pu voir sa figure, et elle en avait été mortifiée. Après tout, cette fois, ce ne serait qu’en présence de son Prince. Si seulement elle avait pu le lui dire, pour lui, oui, n’importe quoi, mais tous ces gens, c’avait été une telle punition…
Elle savait qu’elle avait tort Ce n’était pas ce qu’il souhaitait qu’elle pensât, ce qu’il s’efforçait de lui enseigner. Mais à cet instant, elle était incapable de bien penser.
Il se tenait à côté d’elle. Il lui releva le menton de la main gauche, et il lui demanda de replier les bras dans le dos, ce qui lui fut malaisé. C’était pire que de croiser les mains sur la nuque. Cette position lui faisait cambrer tout le corps, faisait saillir ses seins de force, et elle se ressentait douloureusement de la nudité de sa poitrine et de son visage. Quand il releva ses cheveux, et qu’il en rejeta la crinière par-dessus son épaule droite, elle gémit doucement. Sa chevelure lui voilait le bras, il l’écarta de ses tétons, les pinça tous deux fermement entre le pouce et l’index, et lui souleva les seins pour les laisser retomber, naturellement. Son visage la démangeait. Mais ce qui allait suivre, elle le savait serait pire encore.
— Écartez vos jambes comme il faut. Vous devez être solidement plantée sur le sol pour pouvoir soutenir les coups de battoir.
Elle voulut crier, et, à travers ses lèvres serrées, ses sanglots lui parurent très sonores.
— Belle, Belle, fit-il d’une voix chantante. Voulez-vous me complaire ?
— Oui, mon Prince, s’écria-t-elle, la lèvre agitée d’un tremblement irrépressible.
— Eh bien pourquoi pleurez-vous tant, alors que vous n’avez même pas encore tâté du battoir ? Et vos fesses ne sont qu’à peine endolories. Allons, cette fille d’aubergiste n’avait guère de poigne.
Elle pleura amèrement, comme pour exprimer à sa manière, sans mots, que tout cela était vrai, certes, mais tellement compliqué.
À présent, il lui maintenait fermement le menton et l’enlaçait Puis elle sentit le premier claquement sec du battoir.
À la surface brûlante de sa chair, ce fut une explosion de douleur mordante, et la seconde fessée survint, bien plus vive qu’elle ne l’aurait cru possible, puis il y en eut une troisième, et une quatrième, et elle pleurait malgré elle, à chaudes larmes.
Il cessa et la baisa partout sur le visage.
— Belle, Belle, fit-il. Maintenant, je vous accorde la permission de parler… dites-moi ce que vous voudriez me faire maintenant…
— Je veux vous complaire, mon Prince, se força-t-elle à prononcer, mais cela fait si mal, et j’ai essayé si fort de vous complaire.
— Mais, ma chérie, en supportant cette douleur, vous me faites plaisir. Je vous ai déjà expliqué que le châtiment ne viendrait pas nécessairement sanctionner une transgression. Quelquefois, ce sera pour mon seul plaisir.
— Oui, mon Prince, sanglota-t-elle.
— À propos de la douleur, je vais vous révéler un petit secret. Vous êtes comme la corde tendue de l’arc bandé. Et la douleur vous libère, elle vous rend aussi douce que je le désire. Cela vaut un millier d’ordres et de réprimandes, et vous ne devez pas songer à y résister. Comprenez-vous ce que je dis ? Vous devez vous livrer totalement. À chaque coup de battoir, vous devez songer au coup suivant, et au coup qui suivra le suivant et que c’est votre Prince qui vous inflige cela, qui vous fait présent de cette douleur.
— Oui, mon Prince, fit-elle doucement.
Sans plus de manières, il lui souleva le menton, et la fessa de nouveau avec force, encore et encore, sur le derrière. Elle sentit ses fesses de plus en plus brûlantes de douleur, et les claquements du battoir résonnaient fort et la brisaient chaque fois un peu plus, comme si le bruit des coups était aussi redoutable que la douleur. Elle ne parvenait pas à comprendre.
Quand il cessa enfin, elle avait le souffle coupé et suffoquait presque à force de larmes, comme si ce torrent de coups l’avait plus humiliée qu’une douleur autrement cuisante.
Alors le Prince l’enveloppa dans ses bras. Et le contact de ses vêtements à l’étoffe rude, sa poitrine puissante et nue, la force de ses épaules la réconfortèrent d’un tel plaisir que ses sanglots s’adoucirent, et ses lèvres s’alanguirent contre lui.
Ses culottes rugueuses étaient contre son sexe, et elle se surprit à se presser contre lui, simplement pour qu’il la repousse avec douceur, comme pour un silencieux reproche.
— Embrassez-moi, dit-il, et la vague du plaisir qui la traversa fut telle lorsqu’il referma sa bouche sur la sienne qu’elle put à peine en soutenir l’émoi, se laissant aller de tout son poids contre lui.
Il la retourna vers le lit.
— C’est assez pour cette nuit, décida-t-il d’une voix douce. Nous avons une rude journée devant nous.
Et il lui ordonna de s’étendre.
Soudain, elle comprit qu’il ne la prendrait pas. Elle l’entendit aller à la porte, et ce plaisir qui sourdait entre ses jambes se changea bientôt en supplice. Mais que pouvait-elle faire, sinon pleurer doucement dans son oreiller. Elle tâcha d’empêcher son sexe d’entrer en contact avec les draps, car en ce cas, elle craignait de ne pouvoir réprimer un mouvement de va-et-vient. Et elle était certaine qu’il l’observait. Manifestement, il faisait tout pour qu’elle éprouve du plaisir. Mais sans sa permission ?
Elle était couchée, tendue, apeurée, éplorée.
Un instant après, elle entendit des voix dans son dos.
— Baignez-la et oignez-lui les fesses d’une huile apaisante, déclarait le Prince, et, si vous le désirez, vous pouvez vous adresser à la Princesse, qui en a la permission également. Et vous la traiterez avec le plus grand respect, ajouta le Prince, puis elle entendit ses pas s’éloigner.
Elle était couchée, trop apeurée pour jeter un regard derrière elle. La porte était à nouveau fermée. Elle entendit des pas. Elle perçut le bruit du linge que l’on remuait dans la vasque.
— C’est moi, Princesse très estimée, fit une voix de femme, et elle comprit qu’il s’agissait d’une jeune femme, une femme de son âge, qui ne pouvait être que la fille de l’aubergiste.
Elle enfouit son visage dans l’oreiller. C’est intolérable, se dit-elle, et soudain, de tout son cœur, elle se mit à haïr le Prince, mais l’humiliation la retint d’y songer plus longtemps. Elle sentit le poids du corps de la jeune femme sur le lit à côté d’elle, et le seul contact de l’étoffe grossière du jupon effleurant les fesses de la Belle lui fit éprouver plus intensément la douleur de sa chair endolorie, à vif.
Elle eut l’impression – elle savait pourtant que ce n’était pas le cas – que ses fesses étaient énormes, ou qu’elles rayonnaient d’une espèce de terrible lumière, à force de rougeur. La jeune fille percevrait cette chaleur ; cette jeune fille, entre toutes, qui s’était efforcée de plaire au Prince en la fessant, bien plus fort que le Prince ne l’avait perçu.
Le linge humide lui caressa les épaules, les bras, la nuque, lui caressa le dos, puis les cuisses, les jambes, les pieds. La jeune fille évitait soigneusement le sexe et les chairs irritées.
Mais après que la jeune fille eut tordu le linge, elle lui toucha les fesses d’un geste léger.
— Oh, je sais que cela fait mal, Princesse très estimée. Je suis très désolée, mais que pouvais-je faire d’autre lorsque le Prince me l’a ordonné ?
Le linge était d’un contact rude sur ses chairs meurtries, et la Belle comprit que cette fois le Prince lui avait laissé une traînée de zébrures. Elle gémit, et bien qu’elle vouât à cette jeune fille un sentiment de violence que jamais elle n’avait éprouvé au cours de sa brève existence, le contact de ce linge lui fut néanmoins agréable.
Le linge humide la rafraîchissait ; c’était comme le doux massage d’un gant de crin. Et la Belle se calmait à mesure que la jeune fille la baignait de ce linge, dans un geste doux et circulaire.
— Princesse très estimée, fit la jeune fille, je sais combien vous souffrez, mais il est si beau, et il n’en fera qu’à sa tête, il n’y a aucun doute là-dessus. Je vous en prie, dites-moi, je vous en prie, dites-moi que vous ne me méprisez pas.
— Je ne vous méprise pas, fit la Belle d’une petite voix sans énergie. Comment pourrais-je vous blâmer ou vous mépriser ?
— Il me fallait obéir. Et quel spectacle c’était, Princesse, il y a une chose que je dois vous dire. Cela peut vous mettre en colère après moi, mais peut-être que cela vous sera une consolation.
La Belle ferma les yeux et pressa sa joue contre l’oreiller. Elle ne voulait pas entendre ce que la fille avait à lui dire. Mais elle appréciait sa voix, son respect, sa gentillesse. La jeune fille n’avait pas l’intention de la blesser. Elle était à même de percevoir la crainte qui l’habitait, cette humilité que la Belle, au cours de sa vie, avait connue chez toutes les servantes. Ce n’était pas différent, même avec celle-ci, qui l’avait prise à cheval sur ses genoux dans une taverne et l’avait fessée en présence de ces hommes frustes et de ces villageois. La Belle se la représenta, telle qu’elle la revoyait à la porte de la cuisine : ses cheveux sombres et bouclés en frisettes autour de son petit visage rond, et ces grands yeux pleins d’appréhension. Comme le Prince avait dû lui paraître farouche ! Comme elle avait dû redouter que le Prince ordonnât, à tout instant, qu’on la dénude et qu’on l’humilie ! À cette dernière pensée, la Belle sourit en son for intérieur. Elle éprouvait de la tendresse pour cette fille, et pour ses douces mains qui baignaient à présent avec tant de soin sa chair brûlante et douloureuse.
— Très bien, fit la Belle, que voulez-vous me dire ?
— Seulement que vous étiez si belle, Princesse très estimée, que vous avez tant de beauté en vous. Même là, telle que vous étiez, eh bien, combien de femmes qui paraissent belles auraient-elles pu mesurer leur beauté à la vôtre, vous étiez si belle, Princesse.
Encore et encore, elle répétait ce mot, belle, beauté, cherchant manifestement d’autres mots, des mots meilleurs qu’elle ne savait pas.
— Vous étiez si… si gracieuse, Princesse. Vous tolériez cela si bien, avec une telle obéissance à Son Altesse, le Prince.
La Belle ne répondit mot. Elle se reprit à songer, à songer à la façon dont cette jeune fille avait perçu tout cela. Mais cela procura à la Belle une sensation d’elle-même qui l’effraya tant qu’elle cessa d’y penser. Cette fille l’avait vue de trop près, elle avait vu la rougeur de sa chair punie, et elle l’avait sentie se livrer à d’irrépressibles contorsions.
La Belle en aurait pleuré de nouveau, mais elle ne le voulait pas.
Pour la première fois, à travers la pellicule de l’onguent, elle sentit les doigts nus de la fille sur sa peau, qui massaient ses zébrures.
— Ooh ! tressaillit la Princesse.
— Je suis désolée, fit la jeune fille. Je fais tout mon possible pour être douce.
— Non, continuez. Faites-le bien pénétrer, soupira la Belle. En vérité, cela me fait du bien. Peut-être est-ce quand vous retirez vos doigts.
Comment essayer d’expliquer cela, ses fesses submergées de douleur, démangées de douleur, les zébrures, comme autant de petits foyers de souffrance, et ces doigts qui les pinçaient, puis les relâchaient.
— Tout le monde vous adore, Princesse, chuchota la fille. Tout le monde a vu votre beauté, sans rien pour la dissimuler ou pour cacher vos défauts, et vous n’avez pas de défauts. Ils sont en pâmoison devant vous, Princesse.
— Vraiment ? Ou dites-vous cela pour me consoler ? s’enquit la Belle.
— Oh, c’est la vérité. Ah, ce soir vous auriez dû entendre ces femmes fortunées dans la cour de l’auberge, elles racontaient toutes qu’elles n’étaient pas jalouses du tout, mais elles savaient bien, toutes, que, déshabillées comme vous l’étiez, elles ne vous seraient pas arrivées à la cheville, Princesse. Et bien sûr le Prince était si beau, si élégant et si…
— Ah, oui, soupira la Belle.
À présent, la fille avait recouvert les fesses de la Belle et lui caressait encore les chairs d’un peu d’onguent. Elle en faisait pénétrer dans les cuisses de la Belle, ses doigts s’arrêtant juste à l’orée de la toison entre les jambes, et de nouveau, avec une honte teintée de fierté et de gêne, la Belle sentit le retour du plaisir en elle. Et avec cette fille ! Oh, si le Prince apprenait cela, songea-t-elle soudainement. Elle ne pouvait imaginer que cela lui plût, et aussitôt elle se dit qu’il pourrait bien la punir chaque fois qu’elle éprouverait ce plaisir sans qu’il vînt de lui. Elle tenta de s’extraire cette pensée de l’esprit. Elle aurait voulu savoir où il se trouvait en cet instant.
— Demain, expliqua la jeune fille, lorsque vous partirez pour le château du Prince, vous trouverez sur votre route ceux qui voudront vous découvrir. La rumeur se répand dans tout le Royaume…
À ces mots, la Belle eut un petit tressaillement.
— En êtes-vous sûre ? s’enquit-elle, effrayée.
Tout à coup, cela dépassait sa pensée. Elle se souvint de ce moment paisible, cet après-midi dans la forêt. Elle était seule, quelques pas devant le Prince, et, en un sens, elle était parvenue à oublier la présence des soldats de sa suite. Mais songer à ces gens tout au long de la route, qui n’attendaient que de la voir ! Elle se souvint des rues du village pleines de monde, de ces instants inévitables où ses cuisses et même ses seins nus avaient été effleurés par un bras ou par l’étoffe d’une chemise – elle en eut le souffle coupé.
Mais c’est ce qu’il veut de moi, songea-t-elle. Non seulement me voir, mais aussi que tous me voient.
« Cela procure tant de plaisir à ces gens de vous voir », lui avait-il dit ce soir-là, tandis qu’ils faisaient leur entrée dans cette bourgade. Il l’avait légèrement poussée pour qu’elle ouvre la marche un peu devant lui, et elle avait pleuré si farouchement en découvrant tout autour d’elles ces souliers et ces bottes desquels elle n’avait pas osé lever les yeux.
— Mais vous êtes si jolie, Princesse, et ils le raconteront à leurs petits-enfants, lui dit la fille de la taverne. Ils ne peuvent attendre de se délecter à vous regarder, et, quoi qu’ils aient entendu dire de vous, vous ne les décevrez pas. Imaginez un peu, ne jamais décevoir personne… (La voix de la jeune fille s’estompa comme si elle plongeait dans ses pensées.) Oh, rien que pour voir ça, j’aimerais pouvoir vous suivre.
— Mais vous ne comprenez pas, chuchota la Belle, incapable tout à coup de se contenir. Vous ne vous rendez pas compte…
— Si, je sais, répliqua la jeune fille. Bien sûr que je sais… J’en ai vu des Princesses, lorsqu’elles arrivent dans leurs robes magnifiques couvertes de bijoux, et je sais ce que c’est que d’être ouverte au monde comme une fleur, tous ces yeux comme des doigts pointés sur vous, mais vous êtes tellement, en fin de compte si splendide, Princesse, si rare. Et vous êtes sa Princesse, il vous a prise et tous savent que vous êtes en son pouvoir et que vous devez agir comme il vous l’ordonne. Il n’y a aucune honte à cela, Princesse. Comment cela se pourrait-il, aux ordres d’un si grand Prince ? Oh, pensez-vous qu’il n’y ait pas de femmes qui renonceraient à tout pour prendre votre place, si seulement elles possédaient votre beauté ?
Ces propos frappèrent la Belle de stupeur. Elle resta songeuse. Des femmes renonçant à tout, prenant sa place. Cela ne lui était pas venu à l’esprit. Elle se souvint de ce moment, dans la forêt.
Mais ensuite elle se souvint d’avoir été fessée à l’auberge, et de tous ces gens qui la regardaient. Elle se souvint d’avoir sangloté comme une désespérée, et d’avoir détesté qu’on lui maintienne les fesses en l’air, les jambes ouvertes, et ce battoir qui lui retombait sur le derrière, encore et encore. Finalement, la douleur n’était que le moindre de ses maux.
Elle pensa à ces foules sur la route. Elle essaya de se les représenter. Voilà ce que lui réservait la journée du lendemain.
Elle se sentirait submergée d’humiliation, de souffrance, et tous ces gens seraient là pour en être les témoins, et pour accentuer la chose.
La porte s’était ouverte.
Le Prince avait fait son entrée dans la chambre. La petite jeune fille de la taverne se dressa d’un bond et s’inclina devant lui.
— Votre Altesse, salua-t-elle, dans un souffle.
— Vous vous êtes fort bien acquittée de votre tâche, la félicita le Prince.
— Ce fut un grand honneur, Votre Altesse, répondit la fille.
Le Prince approcha du lit, et se saisissant du poignet droit de la Belle, il la tira et la mit debout. Obéissante, la Belle avait les yeux baissés, et, ne sachant que faire de ses mains, les ramena prestement sur sa nuque.
Elle put sentir la satisfaction du Prince.
— Excellent, ma chérie. N’est-elle pas ravissante, votre Princesse ? s’enquit-il auprès de la fille de la taverne.
— Oh, oui, Votre Altesse.
— En lui donnant son bain, lui avez-vous parlé et l’avez-vous consolée ?
— Oh, oui, Votre Altesse, je lui ai dit combien tout le monde l’admirait et comme ils souhaitaient…
— Oui, la voir, acheva le Prince.
Il y eut un silence. La Belle se demanda s’ils l’observaient tous deux, et elle se sentit soudainement toute nue, livrée à leurs regards. Il lui semblait qu’elle aurait pu soutenir l’un ou l’autre de ces regards, mais tous les deux, fixant ses seins et son sexe, voilà qui était trop pour elle.
Pourtant, comme s’il s’était aperçu qu’elle en avait besoin, le Prince l’embrassa et, pressant doucement sa chair endolorie, il provoqua encore en elle un doux émoi de plaisir mêlé de honte. Elle savait que son visage rougissait à nouveau. Elle avait toujours rougi avec facilité. Et y avait-il d’autres moyens de dire ce que ces mains provoquaient en elle ? Si elle ne parvenait pas à dissimuler cette montée de plaisir, elle allait se remettre à pleurer.
— À genoux, ma chérie, exigea le Prince d’un petit claquement de doigts.
En état de choc, la Belle obéit, le parquet rugueux sous les yeux. Elle pouvait voir les bottes noires du Prince, et le cuir brut des souliers de la servante.
— Maintenant, approchez de votre servante et baisez-lui les souliers. Montrez-lui votre gratitude pour son dévouement à votre égard.
La Belle ne se départit pas de ses pensées. Mais encore une fois, elle sentit les larmes monter en elle, alors qu’elle obéissait, déposant chacun de ses baisers sur le cuir fatigué des souliers de la fille, avec toute la grâce possible. Au-dessus d’elle, elle entendit les murmures de remerciements que la jeune fille adressait au Prince.
— Votre Altesse, disait-elle, c’est moi qui désire embrasser ma Princesse, je vous en supplie.
Le Prince dut approuver d’un hochement de tête, car la fille tomba à genoux de la Belle et, caressant les cheveux de la Belle, elle baisa son visage levé avec grande révérence.
— À présent, vous voyez ces montants aux pieds du lit, dit le Prince à la fille.
Naturellement, la Belle savait que le lit avait de hauts montants qui soutenaient un ciel de lit à caissons.
— Liez votre maîtresse à ces montants, les bras et les jambes bien écartés, afin que je puisse, une fois couché, lever les yeux sur elle, fit le Prince. Attachez-la avec ces rubans de satin, qu’elle n’ait pas la peau blessée, mais nouez-les très fermement, car elle devra dormir dans cette position et son poids ne doit pas dénouer ses liens.
La Belle resta frappée de stupeur.
Quand on la souleva pour la mettre debout au bout du lit, elle fut prise de délire. Elle obéit docilement lorsque la fille lui demanda d’écarter les jambes. Elle sentit le satin se resserrer sur sa cheville droite, puis enserrer fermement sa cheville gauche. Après quoi la fille, debout devant elle sur le lit, lia les mains de la Princesse en hauteur, d’un côté puis de l’autre.
Elle avait les membres écartés, la tête plongeant sur le lit, et elle s’aperçut avec terreur que le Prince verrait toute sa souffrance ; il verrait cette moiteur honteuse entre ses jambes, ces fluides qu’elle ne pouvait ni maîtriser ni dissimuler et, tournant le visage aux creux de son bras, elle geignit doucement.
Mais le pire, en tout ceci, c’était qu’il n’avait pas l’intention de la prendre. Il l’avait attachée hors de sa portée, en sorte qu’elle devrait plonger le regard sur lui durant son sommeil.
Alors la jeune fille prit congé, en déposant en secret un petit baiser sur la cuisse de la Belle avant de sortir. Et la Belle, pleurant doucement se rendit compte qu’elle demeurait seule avec le Prince. Elle n’osait pas le regarder.
— Ma Belle obéissante, soupira-t-il.
Et elle sentit avec horreur, tandis qu’il se hissait plus près d’elle, le manche dur de cet horrible battoir de bois qui taquinait son endroit humide et secret, si cruellement exposé par ses jambes ouvertes.
Elle lutta pour se convaincre que tout ceci n’était qu’illusion. Mais elle sentait ce fluide révélateur, et elle savait que le Prince n’ignorait rien du plaisir qui la tourmentait.
— Je vous ai beaucoup appris, et me réjouis fort de votre présence, et voici que vous découvrez une nouvelle souffrance, un nouveau sacrifice à votre Seigneur et maître. Je pourrais calmer ce feu insatiable qui brûle entre vos jambes mais je vais plutôt vous laisser à votre souffrance, vous laisser en connaître la signification, apprendre que seul votre Prince peut vous apporter ce soulagement que vous attendez.
Elle ne put réprimer un gémissement, vite étouffé au creux de son bras. Elle craignait à tout instant de remuer les hanches en une supplique humiliante et désespérée.
Il avait soufflé les chandelles.
La chambre était dans le noir.
À ses pieds, le matelas ploya sous le poids du Prince.
Elle pencha la tête contre son bras et se sentit en sécurité dans ses liens de satin, tandis qu’elle se laissait aller, suspendue en l’air. Mais ce tourment, ce tourment… et elle ne pouvait rien faire pour l’endiguer.
Alors que l’élancement de son derrière se faisait moins brûlant et s’estompait, elle pria pour que s’évanouisse ce gonflement entre ses cuisses. Après quoi, tombant de sommeil, elle pensa sereinement, presque rêveusement, aux foules qui l’attendaient sur les routes menant au château du Prince.